Par Didier GRANDPERRIN, professeur au Lycée Pothier à Orléans
A loccasion du tricentenaire de la naissance de DUHAMEL du
MONCEAU, le Muséum des Sciences Naturelles dOrléans réalise une exposition
consacrée à cet homme de sciences dont les travaux touchent la biologie et physiologie
végétales, lagronomie, la sylviculture, la marine et la pêche mais aussi tous les
métiers, artisanats qui se rapportent à la nature et à ses productions.
Les lignes qui suivent donnent un bref aperçu de ses travaux dans le domaine de la
biologie végétale. A travers eux, ce sont quelques-uns unes des qualités du
scientifique qui nous sont révélées.
Sa première
recherche personnelle
La germination observée et décrite par Duhamel du Monceau
La croissance des plantes étudiée par Duhamel du Monceau
Un esprit ouvert
Des limites malgré une grande finesse et une grande précision dans les
travaux
Quelques éléments de bibliographie
Manifestations pour le Tricentenaire de DUHAMEL du MONCEAU
1700-2000
Activités pédagogiques réalisées dans les établissements
denseignement
Sa première recherche personnelle
Au 18ème siècle, le safran constitue lune des
richesses de lagriculture du Gâtinais. La " mort du safran ",
maladie apparemment contagieuse, anéantit cette culture et plonge nombre de familles
paysannes dans la misère. Aussi, lAcadémie des sciences confie-t-elle au jeune
Duhamel du Monceau (il a 25 ans) le soin détudier cette maladie afin de trouver les
moyens dempêcher sa propagation.
Les résultats de ses recherches sont publiés dans les " Mémoires de
lAcadémie des sciences " en 1728.
Résumé : A lobservation, il trouve au contact des
bulbes malades des corps rouge foncé doù partent des filaments violets. Or, des
bulbes sains mis en terre à côté de bulbes malades sont rapidement touchés par la
maladie et meurent
. ce qui démontre la contagion de proche en proche. De plus, un
bulbe sain mis en terre en présence dun corps rouge noircit et meurt rapidement
alors que la terre est envahie de filaments violets.
Pour le jeune Duhamel du Monceau, lagent de la maladie est un parasite des bulbes de
safran et il propose disoler les champs contaminés par des saignées creusées dans
le sol afin de protéger les zones saines. Ces saignées font barrage à la progression
des filaments du parasite.
Duhamel du Monceau démontre là son grand talent dobservateur, son esprit novateur dans lanalyse et dans la rigueur du raisonnement, son sens pratique et son souci permanent du bonheur de ses contemporains. Ces qualités sexpriment pendant toute sa vie et se retrouvent tout au long de limposante production écrite que cet inlassable travailleur laisse à la postérité.
Le safran Crocus sativus (Iridacées) est une plante importée
dOrient. Cette plante à bulbe produit une fleur dotée de 3 stigmates allongés.
Les fleurs sont cueillies à la main et les stigmates en sont séparés puis séchés et
transformés en une poudre de grand prix utilisée pour ses vertus culinaires (cest
un condiment recherché) mais aussi médicinales et tinctoriales.
La " mort du safran " frappe au printemps : les feuilles se
dessèchent, le bulbe noircit et la plante meurt ; le mal se propage de proche en
proche à partir des parcelles contaminées. Lagent de cette maladie est un
champignon basidiomycète nommé Rhizoctonia violacea ou Rhizoctonia crocorum.
La germination observée et décrite par Duhamel du Monceau
Où il se révèle un observateur précis et méticuleux de la nature et le rédacteur dun texte au contenu très moderne. (extrait du Traité de physique des arbres - 1758 - préface du Tome 1 - texte actualisé)
" Les semences peuvent être comparées aux ufs des animaux mais à des ufs déjà couvés dans lesquels le petit animal est tout formé. Outre les rudiments de la tige et de la racine quon trouve dans les semences, on y aperçoit des organes quon appelle lobes (ce sont les cotylédons) et quon peut regarder comme des mamelles, dont loffice est de nourrir la plante jusquà ce quelle ait jeté en terre une suffisante quantité de racines pour en tirer sa nourriture. Quand on met en terre une semence, les lobes dont je viens de parler se remplissent dhumidité ; ils se gonflent, ils ouvrent leurs enveloppes (= enveloppes séminales : tégument et péricarpe selon le type de semence) et lon voit dabord paraître la jeune racine (ou radicule) qui produit des racines latérales capables de pomper de la terre la sève quelle contient et de la transmettre à la jeune tige quon nomme la plume (= tigelle). Voilà alors la jeune plante en état de végéter (= se nourrir et grandir : activité végétative) sans le secours des lobes . Cette plante est alors très tendre et herbacée mais peu à peu le corps ligneux (= bois) la détruit de lintérieur et à la fin de lautomne, elle forme un petit arbre recouvert extérieurement dune écorce bien formée. "
La croissance des plantes étudiée par Duhamel du Monceau
Où il se révèle un expérimentateur rigoureux soucieux de la répétition des
expériences et de la validation des résultats. (extraits du Traité de
physique des arbres - 1758 - Tome 1 chapitre 5 : Des racines
et Tome 2 chapitre 3 : De laccroissement des arbres)
" Les observations que jai faites sur les plantes qui
végètent dans leau mont fait découvrir une autre singularité :
cest que les racines ne sallongent que par leur extrémité.
(1 pied équivaut à 32,5 cm ; le pouce est le douzième du pied et la ligne le
douzième du pouce) Dans leur organisation, ses textes nont rien à envier aux
communications scientifiques actuelles
..
Jai placé dans une racine tendre des fils dargent très fins et marqué, sur
lextérieur dune carafe en cristal, des traits avec du vernis coloré, chaque
trait correspondant à la position dun fil dargent.
Tous les fils, excepté ceux qui étaient à deux ou trois espaces de lextrémité,
répondaient toujours (= correspondaient toujours) aux points de vernis marqués sur la
carafe bien que la racine se soit beaucoup allongée ; donc les racines ne
sallongent que par leur extrémité. Cette expérience que jai répétée
plusieurs fois, indique que les racines, quelles soient ligneuses ou herbacées, ne
sallongent plus dès que lon sécarte (= séloigne) de
lextrémité. "
" Nous avons prouvé que les racines ne sallongent que par leur
extrémité : il nen est pas de même pour la jeune tige. Au printemps, lorsque
cette tige (tige de Marronnier dInde) nétait quà la hauteur dun
pouce et demi, je la divisai en dix parties égales que je marquai avec des fils
dargent très fins piqués dans lécorce. A lautomne suivant, tous ces
fils se trouvèrent écartés les uns des autres mais ceux qui étaient à la base de la
tige sétaient peu écartés alors que ceux qui étaient vers le sommet
létaient beaucoup.
Cette expérience prouve que les jeunes tiges tendres sallongent sur toute leur
longueur mais beaucoup plus vers leur extrémité où la tige est restée tendre beaucoup
plus longtemps quailleurs ; donc lextension (= allongement) diminue à
mesure que lendurcissement de la tige fait progrès. On va voir si cette extension
cesse quand la portion ligneuse est endurcie. Jai laissé mes fils dargent
dans mon arbre. Au printemps suivant, le bouton (= bourgeon) de lextrémité
souvrit ; il en sortit une tige herbacée, entièrement semblable à celle qui
était sortie de la semence et quand elle eut acquis quatre à cinq lignes de longueur, je
divisai encore cet espace en dix parties égales en y piquant des fils dargent. Ces
fils dargent séloignèrent les uns des autres à peu près dans la même
proportion que lannée précédente, mais ceux de la première année restèrent
dans une même position respective. Cela prouve que les bourgeons (= rameaux) qui se sont
endurcis ne sétendent (ne sallongent) plus et lobservation faite sur
ceux que lon a marqués la seconde année confirme ce qui a été dit à
loccasion des bourgeons de la première. "
Le lecteur y retrouve un problème posé, un protocole expérimental, lexposé des
résultats, les interprétations et conclusions. Cétait en 1758 !
Duhamel du Monceau est membre de nombreuses académies et sociétés
savantes et il entretient une très abondante correspondance avec la plupart des brillants
biologistes de son époque. Il est informé de tout ce qui se fait dans le domaine des
sciences de la Nature et il se singularise, pour son époque, en citant dans ses écrits
les travaux remarquables de ses contemporains tels que ceux de lAnglais Stephen
HALES (1677-1761). Ainsi en est-il à propos de labsorption racinaire quil
étudie personnellement.
(Textes actualisés extraits du Traité des semis et plantation des arbres et de
leur culture - Additions et corrections pour le Traité de Physique des Arbres - 1760)
" Je vais rapporter une expérience de Monsieur Hales qui
prouve que les racines ont une force considérable de succion. Dans le mois daoût
dune année fort sèche, il fit fouiller le pied dun poirier et découvrir une
de ses racines qui avait un demi-pouce de diamètre. On la fit entrer par son extrémité
dans un tuyau de huit pouces de long relié à un tuyau plus long (dix-huit pouces) et
plus fin (un quart de pouce). Ce tuyau fin fut rempli deau et on fit plonger son
extrémité libre dans un vase rempli de mercure. La racine tira leau avec tant de
force quen dix minutes le mercure séleva de huit pouces dans le tuyau fin. Il
est ainsi bien prouvé que les racines des arbres pompent avec beaucoup de force
leau qui est à leur portée mais les branches détachées de leurs racines ont
aussi une grande force de succion. "
" Si lon répète ces expériences avec du pommier, du poirier ou du
cognassier en utilisant des branches de six et trois pieds de longueur, les branches
feuillées tirent quinze à trente fois plus deau que les branches effeuillées.
Ceci prouve incontestablement quil y a un rapport réel entre transpiration et
élévation de la sève. "
Des limites malgré une grande finesse et une grande précision dans les travaux
Lorsque Duhamel du Monceau aborde la croissance en épaisseur des
arbres, son attention se porte sur lextension du bois et la mise en place des
cernes. Plusieurs théories saffrontent à ce sujet. Selon lItalien Marcello
Malpighi (1628 1694), cest la couche la plus interne de lécorce qui
produit chaque année une nouvelle couche de bois. A lopposé pour lAnglais
Hales, cest la couche de bois la plus externe, la plus jeune, qui sétend vers
lextérieur et permet ainsi la mise en place dune nouvelle couche de bois.
Il déploie alors un arsenal dexpériences astucieuses et parfois longues de
plusieurs années pour élucider la question. Tout y passe : greffes, insertion de
fils dargent ou de minces lames détain dans le bois jeune, dans le liber,
dans lécorce, quil va rechercher après plusieurs années et trouve engagées
dans le bois du tronc. Il démontre ainsi que ce nest pas la couche de bois la plus
externe, la plus jeune, qui produit sur sa face externe le bois du cerne de lannée.
Il tâtonne, il approche de la vérité quil cerne (si lon peut dire) au plus
près mais faute de bénéficier des apports de la microscopie*, il ne peut démontrer,
intuition prémonitoire, que le cambium est " un tissu cellulaire et
vésiculaire " à lorigine des cernes annuels du bois. Aussi, limitant ses
affirmations à ce que prouvent les expériences, il en reste, bien quil ny
croie pas, à lidée la mieux admise dun cambium situé entre bois et écorce
mais formé dun suc gélatineux accumulé au contact du bois le plus externe et
sorganisant pour former un nouveau cerne.
De même, il aborde le rôle du périoste dans la croissance osseuse quil étudie
chez le porc (1739 - 1743). Il utilise la méthode originale du marquage réalisé par
laddition périodique de colorants (il opte pour la teinture de garance) dans
lalimentation des animaux. Malgré cette innovation, il ne peut aboutir faute des
apports de la microscopie.
[*Cest en 1665 que lAnglais Robert Hooke identifie au microscope les premières cellules végétales (observations de cellules de liège) mais les premières méthodes histologiques (coupe, fixation, coloration) apparaissent environ 2 siècles plus tard.]
Quelques éléments de bibliographie
BONNAIRE, Pierre Henri-Louis DUHAMEL du MONCEAU (1700-1782) : Père de la sylviculture et des sciences forestières. Société dAgriculture, Belles-Lettres, Sciences et Arts dOrléans. VIème série. Tome 2. 1993. p 71-104.
DAVI, Roland DUHAMEL du MONCEAU : extraits. Textes choisis et présentés par des élèves de première du Lycée DUHAMEL du MONCEAU.1994. Pithiviers
DINECHIN de, Bruno DUHAMEL du MONCEAU : un savant exemplaire au Siècle des lumières. Connaissance et mémoires européennes. Abbeville, 1998.
GONCALVES, Christine DUHAMEL du MONCEAU : un homme de science au Siècle des lumières. Numéro spécial Centre Sciences. 1999.
HARTMANN, Claude DUHAMEL du MONCEAU in La révolution verte au Siècle des lumières, les idées et les hommes. Société dAgriculture, Belles-Lettres, Sciences et Arts dOrléans. VIème série. Tome 3. 1994. p 90-93.
HARTMANN, Claude Les acteurs de la révolution verte et les sociétés savantes orléanaises à la fin du siècle des lumières. VIème série. Tome 4. 1995. p 77.
Manifestations pour le Tricentenaire de DUHAMEL du MONCEAU 1700-2000
Exposition au Muséum des Sciences
Naturelles dOrléans de Mars à Novembre 2000.
Organisée par le Muséum dOrléans et le Musée municipal de Pithiviers, elle
fera découvrir la personnalité de Duhamel du Monceau et mettra en évidence les
multiples domaines dans lesquels il a travaillé et fait progresser la connaissance.
Colloque Vendredi 12 Mai 2000
organisé par lAcadémie dOrléans (Agriculture, Belles-Lettres, Sciences
et Arts) au Muséum des Sciences Naturelles dOrléans.
Il rassemblera des intervenants français et étrangers, scientifiques et
historiens, qui analyseront luvre de Duhamel du Monceau. LAcadémie
dOrléans lance un appel à toute institution ou personne détenant des documents ou
informations sur Duhamel du Monceau.
Contacts:
* Institut.Sciences.Humaines@univ-orleans.fr.
Téléphone: 02 38 49 47 01 Télécopie: 02 38 49 47 11)
* Académie dOrléans (Agriculture, Belles-Lettres, Sciences et Arts) 5, rue
Antoine Petit 45000 Orléans Téléphone/Télécopie: 02 38 53 64 81
Premier jour de lémission du timbre " Duhamel du Monceau " Samedi 13 et Dimanche 14 Mai 2000, sous légide de lAcadémie dOrléans (Agriculture, Belles-Lettres, Sciences et Arts) au Muséum des Sciences Naturelles dOrléans.
Exposition au Jardin des plantes
dOrléans : Inauguration de lespace Duhamel du Monceau et de
lexposition Samedi 13 Mai 2000 [ Jardin des plantes Avenue de Saint - Mesmin
]
- Les plantes étudiées par Duhamel : safran, chanvre, garance
- Les espèces introduites dans les jardins
- Le transport des plantes par voie maritime
Cycle de conférences:
Activités pédagogiques réalisées dans les établissements denseignement
Lycée DUHAMEL du MONCEAU Pithiviers : DUHAMEL
du MONCEAU, 300 ans après, quel
héritage ?
(16, avenue de France 45300 Pithiviers Téléphone 02
38 34 53 80 Télécopie 02 38 35 53 84)
Réalisation par les classes de seconde dans le cadre des enseignements dhistoire -
géographie, sciences de la vie et de la Terre et informatique sous la responsabilité de
Melle GIRY, Mmes COUSIN, GUILLOU, LIENARDT et M. MARESCHAL .
Lycée Professionnel Agricole, Horticole et Forestier de Beaune
Bellegarde Beaune La Rolande
(Rue des Déportés 45340 Beaune La Rolande Téléphone 02 38 33 20 17
Télécopie 02 38 33 30 45)
Inventaire du patrimoine ligneux introduit par DUHAMEL du MONCEAU dans le Pithiverais
Participation à la Méridienne verte.
Réalisation par les élèves de première année du Brevet de Technicien Agricole sous la
responsabilité de J.P.GENET.
Lycée dHorticulture et paysagisme dOrléans
(66, rue de la Mouillère 45100 Orléans Téléphone 02
38 22 60 80 Télécopie 02 38 51 38 45)
Inventaire des plantes introduites par DUHAMEL du MONCEAU.
Réalisation par les élèves préparant le Brevet de Technicien Supérieur sous la
responsabilité de R.BEAUBOIS.
Contact " Enseignants "
Pour toute information sur ces sujets, contacter Didier GRANDPERRIN au Muséum des
Sciences Naturelles dOrléans les Jeudi après-midi et Vendredi matin. En cas
dabsence, demander Christine GONCALVES.
Muséum des Sciences Naturelles
2, rue Marcel PROUST 45000 Orléans
Téléphone : 02 38 54 61 05
Télécopie : 02 38 53 19 57