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Henri Louis DUHAMEL du MONCEAU (1700-1782) : botaniste et agronome

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Par Didier GRANDPERRIN, professeur au Lycée Pothier à Orléans

A l’occasion du tricentenaire de la naissance de DUHAMEL du MONCEAU, le Muséum des Sciences Naturelles d’Orléans réalise une exposition consacrée à cet homme de sciences dont les travaux touchent la biologie et physiologie végétales, l’agronomie, la sylviculture, la marine et la pêche mais aussi tous les métiers, artisanats qui se rapportent à la nature et à ses productions.
Les lignes qui suivent donnent un bref aperçu de ses travaux dans le domaine de la biologie végétale. A travers eux, ce sont quelques-uns unes des qualités du scientifique qui nous sont révélées.

 

Sa première recherche personnelle
La germination observée et décrite par Duhamel du Monceau
La croissance des plantes étudiée par Duhamel du Monceau
Un esprit ouvert
Des limites malgré une grande finesse et une grande précision dans les travaux
Quelques éléments de bibliographie
Manifestations pour le Tricentenaire de DUHAMEL du MONCEAU 1700-2000
Activités pédagogiques réalisées dans les établissements d’enseignement

 

Sa première recherche personnelle

Au 18ème siècle, le safran constitue l’une des richesses de l’agriculture du Gâtinais. La " mort du safran ", maladie apparemment contagieuse, anéantit cette culture et plonge nombre de familles paysannes dans la misère. Aussi, l’Académie des sciences confie-t-elle au jeune Duhamel du Monceau (il a 25 ans) le soin d’étudier cette maladie afin de trouver les moyens d’empêcher sa propagation.
Les résultats de ses recherches sont publiés dans les " Mémoires de l’Académie des sciences " en 1728.

Résumé : A l’observation, il trouve au contact des bulbes malades des corps rouge foncé d’où partent des filaments violets. Or, des bulbes sains mis en terre à côté de bulbes malades sont rapidement touchés par la maladie et meurent…. ce qui démontre la contagion de proche en proche. De plus, un bulbe sain mis en terre en présence d’un corps rouge noircit et meurt rapidement alors que la terre est envahie de filaments violets.
Pour le jeune Duhamel du Monceau, l’agent de la maladie est un parasite des bulbes de safran et il propose d’isoler les champs contaminés par des saignées creusées dans le sol afin de protéger les zones saines. Ces saignées font barrage à la progression des filaments du parasite.

Duhamel du Monceau démontre là son grand talent d’observateur, son esprit novateur dans l’analyse et dans la rigueur du raisonnement, son sens pratique et son souci permanent du bonheur de ses contemporains. Ces qualités s’expriment pendant toute sa vie et se retrouvent tout au long de l’imposante production écrite que cet inlassable travailleur laisse à la postérité.

Le safran Crocus sativus (Iridacées) est une plante importée d’Orient. Cette plante à bulbe produit une fleur dotée de 3 stigmates allongés. Les fleurs sont cueillies à la main et les stigmates en sont séparés puis séchés et transformés en une poudre de grand prix utilisée pour ses vertus culinaires (c’est un condiment recherché) mais aussi médicinales et tinctoriales.
La " mort du safran " frappe au printemps : les feuilles se dessèchent, le bulbe noircit et la plante meurt ; le mal se propage de proche en proche à partir des parcelles contaminées. L’agent de cette maladie est un champignon basidiomycète nommé Rhizoctonia violacea ou Rhizoctonia crocorum.

 

La germination observée et décrite par Duhamel du Monceau

Où il se révèle un observateur précis et méticuleux de la nature et le rédacteur d’un texte au contenu très moderne. (extrait du Traité de physique des arbres - 1758 - préface du Tome 1 - texte actualisé)

" Les semences peuvent être comparées aux œufs des animaux mais à des œufs déjà couvés dans lesquels le petit animal est tout formé. Outre les rudiments de la tige et de la racine qu’on trouve dans les semences, on y aperçoit des organes qu’on appelle lobes (ce sont les cotylédons) et qu’on peut regarder comme des mamelles, dont l’office est de nourrir la plante jusqu’à ce qu’elle ait jeté en terre une suffisante quantité de racines pour en tirer sa nourriture. Quand on met en terre une semence, les lobes dont je viens de parler se remplissent d’humidité ; ils se gonflent, ils ouvrent leurs enveloppes (= enveloppes séminales : tégument et péricarpe selon le type de semence) et l’on voit d’abord paraître la jeune racine (ou radicule) qui produit des racines latérales capables de pomper de la terre la sève qu’elle contient et de la transmettre à la jeune tige qu’on nomme la plume (= tigelle). Voilà alors la jeune plante en état de végéter (= se nourrir et grandir : activité végétative) sans le secours des lobes…. Cette plante est alors très tendre et herbacée mais peu à peu le corps ligneux (= bois) la détruit de l’intérieur et à la fin de l’automne, elle forme un petit arbre recouvert extérieurement d’une écorce bien formée. "

 

La croissance des plantes étudiée par Duhamel du Monceau

Où il se révèle un expérimentateur rigoureux soucieux de la répétition des expériences et de la validation des résultats. (extraits du Traité de physique des arbres - 1758 - Tome 1 – chapitre 5 : Des racines et Tome 2 – chapitre 3 : De l’accroissement des arbres)

" Les observations que j’ai faites sur les plantes qui végètent dans l’eau m’ont fait découvrir une autre singularité : c’est que les racines ne s’allongent que par leur extrémité.
J’ai placé dans une racine tendre des fils d’argent très fins et marqué, sur l’extérieur d’une carafe en cristal, des traits avec du vernis coloré, chaque trait correspondant à la position d’un fil d’argent.
Tous les fils, excepté ceux qui étaient à deux ou trois espaces de l’extrémité, répondaient toujours (= correspondaient toujours) aux points de vernis marqués sur la carafe bien que la racine se soit beaucoup allongée ; donc les racines ne s’allongent que par leur extrémité. Cette expérience que j’ai répétée plusieurs fois, indique que les racines, qu’elles soient ligneuses ou herbacées, ne s’allongent plus dès que l’on s’écarte (= s’éloigne) de l’extrémité. "
" Nous avons prouvé que les racines ne s’allongent que par leur extrémité : il n’en est pas de même pour la jeune tige. Au printemps, lorsque cette tige (tige de Marronnier d’Inde) n’était qu’à la hauteur d’un pouce et demi, je la divisai en dix parties égales que je marquai avec des fils d’argent très fins piqués dans l’écorce. A l’automne suivant, tous ces fils se trouvèrent écartés les uns des autres mais ceux qui étaient à la base de la tige s’étaient peu écartés alors que ceux qui étaient vers le sommet l’étaient beaucoup.
Cette expérience prouve que les jeunes tiges tendres s’allongent sur toute leur longueur mais beaucoup plus vers leur extrémité où la tige est restée tendre beaucoup plus longtemps qu’ailleurs ; donc l’extension (= allongement) diminue à mesure que l’endurcissement de la tige fait progrès. On va voir si cette extension cesse quand la portion ligneuse est endurcie. J’ai laissé mes fils d’argent dans mon arbre. Au printemps suivant, le bouton (= bourgeon) de l’extrémité s’ouvrit ; il en sortit une tige herbacée, entièrement semblable à celle qui était sortie de la semence et quand elle eut acquis quatre à cinq lignes de longueur, je divisai encore cet espace en dix parties égales en y piquant des fils d’argent. Ces fils d’argent s’éloignèrent les uns des autres à peu près dans la même proportion que l’année précédente, mais ceux de la première année restèrent dans une même position respective. Cela prouve que les bourgeons (= rameaux) qui se sont endurcis ne s’étendent (ne s’allongent) plus et l’observation faite sur ceux que l’on a marqués la seconde année confirme ce qui a été dit à l’occasion des bourgeons de la première. "

                    (1 pied équivaut à 32,5 cm ; le pouce est le douzième du pied et la ligne le douzième du pouce)

Dans leur organisation, ses textes n’ont rien à envier aux communications scientifiques actuelles…..
Le lecteur y retrouve un problème posé, un protocole expérimental, l’exposé des résultats, les interprétations et conclusions. C’était en 1758 !

 

Un esprit ouvert

Duhamel du Monceau est membre de nombreuses académies et sociétés savantes et il entretient une très abondante correspondance avec la plupart des brillants biologistes de son époque. Il est informé de tout ce qui se fait dans le domaine des sciences de la Nature et il se singularise, pour son époque, en citant dans ses écrits les travaux remarquables de ses contemporains tels que ceux de l’Anglais Stephen HALES (1677-1761). Ainsi en est-il à propos de l’absorption racinaire qu’il étudie personnellement.
(Textes actualisés extraits du Traité des semis et plantation des arbres et de leur culture - Additions et corrections pour le Traité de Physique des Arbres - 1760)

" Je vais rapporter une expérience de Monsieur Hales qui prouve que les racines ont une force considérable de succion. Dans le mois d’août d’une année fort sèche, il fit fouiller le pied d’un poirier et découvrir une de ses racines qui avait un demi-pouce de diamètre. On la fit entrer par son extrémité dans un tuyau de huit pouces de long relié à un tuyau plus long (dix-huit pouces) et plus fin (un quart de pouce). Ce tuyau fin fut rempli d’eau et on fit plonger son extrémité libre dans un vase rempli de mercure. La racine tira l’eau avec tant de force qu’en dix minutes le mercure s’éleva de huit pouces dans le tuyau fin. Il est ainsi bien prouvé que les racines des arbres pompent avec beaucoup de force l’eau qui est à leur portée mais les branches détachées de leurs racines ont aussi une grande force de succion. "
" Si l’on répète ces expériences avec du pommier, du poirier ou du cognassier en utilisant des branches de six et trois pieds de longueur, les branches feuillées tirent quinze à trente fois plus d’eau que les branches effeuillées. Ceci prouve incontestablement qu’il y a un rapport réel entre transpiration et élévation de la sève. "

 

Des limites malgré une grande finesse et une grande précision dans les travaux

Lorsque Duhamel du Monceau aborde la croissance en épaisseur des arbres, son attention se porte sur l’extension du bois et la mise en place des cernes. Plusieurs théories s’affrontent à ce sujet. Selon l’Italien Marcello Malpighi (1628 – 1694), c’est la couche la plus interne de l’écorce qui produit chaque année une nouvelle couche de bois. A l’opposé pour l’Anglais Hales, c’est la couche de bois la plus externe, la plus jeune, qui s’étend vers l’extérieur et permet ainsi la mise en place d’une nouvelle couche de bois.
Il déploie alors un arsenal d’expériences astucieuses et parfois longues de plusieurs années pour élucider la question. Tout y passe : greffes, insertion de fils d’argent ou de minces lames d’étain dans le bois jeune, dans le liber, dans l’écorce, qu’il va rechercher après plusieurs années et trouve engagées dans le bois du tronc. Il démontre ainsi que ce n’est pas la couche de bois la plus externe, la plus jeune, qui produit sur sa face externe le bois du cerne de l’année. Il tâtonne, il approche de la vérité qu’il cerne (si l’on peut dire) au plus près mais faute de bénéficier des apports de la microscopie*, il ne peut démontrer, intuition prémonitoire, que le cambium est " un tissu cellulaire et vésiculaire " à l’origine des cernes annuels du bois. Aussi, limitant ses affirmations à ce que prouvent les expériences, il en reste, bien qu’il n’y croie pas, à l’idée la mieux admise d’un cambium situé entre bois et écorce mais formé d’un suc gélatineux accumulé au contact du bois le plus externe et s’organisant pour former un nouveau cerne.
De même, il aborde le rôle du périoste dans la croissance osseuse qu’il étudie chez le porc (1739 - 1743). Il utilise la méthode originale du marquage réalisé par l’addition périodique de colorants (il opte pour la teinture de garance) dans l’alimentation des animaux. Malgré cette innovation, il ne peut aboutir faute des apports de la microscopie.

[*C’est en 1665 que l’Anglais Robert Hooke identifie au microscope les premières cellules végétales (observations de cellules de liège) mais les premières méthodes histologiques (coupe, fixation, coloration) apparaissent environ 2 siècles plus tard.]

 

Quelques éléments de bibliographie

BONNAIRE, PierreHenri-Louis DUHAMEL du MONCEAU (1700-1782) : Père de la sylviculture et des sciences forestières. Société d’Agriculture, Belles-Lettres, Sciences et Arts d’Orléans. VIème série. Tome 2. 1993. p 71-104.

DAVI, Roland DUHAMEL du MONCEAU : extraits. Textes choisis et présentés par des élèves de première du Lycée DUHAMEL du MONCEAU.1994. Pithiviers

DINECHIN de, Bruno DUHAMEL du MONCEAU : un savant exemplaire au Siècle des lumières. Connaissance et mémoires européennes. Abbeville, 1998.

GONCALVES, Christine DUHAMEL du MONCEAU : un homme de science au Siècle des lumières. Numéro spécial Centre Sciences. 1999.

HARTMANN, Claude DUHAMEL du MONCEAU in La révolution verte au Siècle des lumières, les idées et les hommes. Société d’Agriculture, Belles-Lettres, Sciences et Arts d’Orléans. VIème série. Tome 3. 1994. p 90-93.

HARTMANN, ClaudeLes acteurs de la révolution verte et les sociétés savantes orléanaises à la fin du siècle des lumières. VIème série. Tome 4. 1995. p 77.

 

Manifestations pour le Tricentenaire de DUHAMEL du MONCEAU 1700-2000

Exposition au Muséum des Sciences Naturelles d’Orléans  de Mars à Novembre 2000.
Organisée par le Muséum d’Orléans et le Musée municipal de Pithiviers, elle fera découvrir la personnalité de Duhamel du Monceau et mettra en évidence les multiples domaines dans lesquels il a travaillé et fait progresser la connaissance.

Colloque Vendredi 12 Mai 2000 organisé par l’Académie d’Orléans (Agriculture, Belles-Lettres, Sciences et Arts) au Muséum des Sciences Naturelles d’Orléans.
Il rassemblera des intervenants français et étrangers, scientifiques et historiens, qui analyseront l’œuvre de Duhamel du Monceau. L’Académie d’Orléans lance un appel à toute institution ou personne détenant des documents ou informations sur Duhamel du Monceau.
Contacts:
* Institut.Sciences.Humaines@univ-orleans.fr. Téléphone: 02 38 49 47 01 Télécopie: 02 38 49 47 11)
* Académie d’Orléans (Agriculture, Belles-Lettres, Sciences et Arts) 5, rue Antoine Petit – 45000 Orléans Téléphone/Télécopie: 02 38 53 64 81

Premier jour de l’émission du timbre " Duhamel du Monceau " Samedi 13 et Dimanche 14 Mai 2000, sous l’égide de l’Académie d’Orléans (Agriculture, Belles-Lettres, Sciences et Arts) au Muséum des Sciences Naturelles d’Orléans. 

Exposition au Jardin des plantes d’Orléans : Inauguration de l’espace Duhamel du Monceau et de l’exposition Samedi 13 Mai 2000 [ Jardin des plantes – Avenue de Saint - Mesmin ]
- Les plantes étudiées par Duhamel : safran, chanvre, garance 
- Les espèces introduites dans les jardins 
- Le transport des plantes par voie maritime

Cycle de conférences:

 

Activités pédagogiques réalisées dans les établissements d’enseignement

Lycée DUHAMEL du MONCEAU – Pithiviers : DUHAMEL du MONCEAU, 300 ans après, quel héritage ?
(16, avenue de France 45300 Pithiviers – Téléphone 02 38 34 53 80 Télécopie 02 38 35 53 84)
Réalisation par les classes de seconde dans le cadre des enseignements d’histoire - géographie, sciences de la vie et de la Terre et informatique sous la responsabilité de Melle GIRY, Mmes COUSIN, GUILLOU, LIENARDT et M. MARESCHAL .

Lycée Professionnel Agricole, Horticole et Forestier de Beaune Bellegarde – Beaune La Rolande
(Rue des Déportés 45340 Beaune La Rolande – Téléphone 02 38 33 20 17 Télécopie 02 38 33 30 45)
Inventaire du patrimoine ligneux introduit par DUHAMEL du MONCEAU dans le Pithiverais
Participation à la Méridienne verte.

Réalisation par les élèves de première année du Brevet de Technicien Agricole sous la responsabilité de J.P.GENET.

Lycée d’Horticulture et paysagisme d’Orléans
(66, rue de la Mouillère 45100 Orléans Téléphone 02 38 22 60 80 Télécopie 02 38 51 38 45)
Inventaire des plantes introduites par DUHAMEL du MONCEAU.
Réalisation par les élèves préparant le Brevet de Technicien Supérieur sous la responsabilité de R.BEAUBOIS.

Contact " Enseignants "
Pour toute information sur ces sujets, contacter Didier GRANDPERRIN au Muséum des Sciences Naturelles d’Orléans les Jeudi après-midi et Vendredi matin. En cas d’absence, demander Christine GONCALVES.

Muséum des Sciences Naturelles
2, rue Marcel PROUST – 45000 Orléans
Téléphone : 02 38 54 61 05
Télécopie : 02 38 53 19 57